Coronavirus et gouvernance des communes

Covid-19 : Comment organiser la gouvernance des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ?

Publié le : 16/04/2020 16 avril avr. 04 2020

Compte-tenu des circonstances actuelles liées à l’état d’urgence sanitaire, un certain nombre de textes, dérogatoires du droit commun sont venus encadrer la gouvernance liée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, pendant l’entre-deux tours.
 

Bref rappel des règles de droit commun, applicables entre les deux tours des élections :

En application du droit commun, la gouvernance dans les communes diffère donc selon la période transitoire propre à chacune.

Le Conseil d’Etat a jugé dans l’arrêt n° 110231 du 2 mars 1990, que :

« Considérant qu'aux termes de l'article L.227 du code électoral : "Les conseillers municipaux sont élus pour six ans ... ils sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en conseil des ministres" ; qu'en application de cet article, le décret n° 88-1098 du 1er décembre 1988 a décidé que le renouvellement général des conseils municipaux aurait lieu le 12 mars 1989 et que, lorsqu'un second tour serait nécessaire, il y serait procédé le 19 mars 1989 ; que, contrairement à ce que soutient M. Y..., ni l'article L.122-10 du code des communes, ni aucune autre disposition législative ne prévoit le maintien en fonctions des conseillers municipaux sortants jusqu'à la date d'installation du nouveau conseil ; qu'ainsi le mandat du conseil municipal de Grand Bourg de Marie-Galante (Guadeloupe) a expiré le 12 mars 1989 ».

Ainsi, sur les communes concernées où l’élection n’a pas été acquise au premier tour, tous les conseillers municipaux demeurent en fonction, jusqu’à la proclamation des résultats, à l’issue du second tour. A l’heure actuelle, la situation est inédite, puisque cette période ne dure qu’une semaine, période définie entre les deux tours. 

Les membres du conseil communautaire, qui tirent leur légitimité d’élus des communes concernées, demeurent donc en fonction au sein de l’établissement public et ce, jusqu’au soir du second tour des élections, puisqu’à compter de cette date, aucun conseiller municipal sortant n’est maintenu en fonction.

Puis l’article L. 2122-15 du code général des collectivités territoriales, dispose que :
« Le maire et les adjoints continuent l'exercice de leurs fonctions jusqu'à l'installation de leurs successeurs, sous réserve des dispositions des articles L. 2121-36, L. 2122-5, L. 2122-6, L. 2122-16 et L. 2122-17 (…) ».

Ainsi, dans les communes où l’élection a été acquise dès le premier tour et dans l’attente de l’installation du nouveau conseil municipal, seuls le maire et les adjoints assurent la gestion transitoire des affaires de la commune.

Sur ces mêmes communes où l’élection a été acquise dès le premier tour et pendant cette même période transitoire jusqu’à l’installation des nouveaux conseils municipaux, aucun des conseillers municipaux sortants, ne demeure normalement en fonction.

Toutefois, le « paquet législatif » des ordonnances covid-19 est venu aménager cette période transitoire pour laquelle le droit constant ci-dessus cité, ne prévoit pas de solutions efficaces.
 

La date incertaine du deuxième tour :

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, détaille les modalités de report du second tour des élections municipales et de la séance d’installation du premier conseil pour les communes ayant élu leur conseil municipal en entier à l’issue du premier tour.

Le I de l’article 19 de la loi précitée, dispose que :
« I. - Lorsque, à la suite du premier tour organisé le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, un second tour est nécessaire pour attribuer les sièges qui n'ont pas été pourvus, ce second tour, initialement fixé au 22 mars 2020, est reporté au plus tard en juin 2020, en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'impérative protection de la population face à l'épidémie de covid-19. Sa date est fixée par décret en conseil des ministres, pris le mercredi 27 mai 2020 au plus tard si la situation sanitaire permet l'organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l'analyse du comité de scientifiques institué sur le fondement de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique.
(…).

Si la situation sanitaire ne permet pas l'organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains concernés est prolongé pour une durée fixée par la loi. Les électeurs sont convoqués par décret pour les deux tours de scrutin, qui ont lieu dans les trente jours qui précèdent l'achèvement des mandats ainsi prolongés. La loi détermine aussi les modalités d'entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet.

Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ».

Ces dispositions prévoient donc deux modalités différentes d’organisation du scrutin en fonction de la situation sanitaire :

  • Soit le second tour des élections est organisé au plus tard au mois de juin 2020 et la date du scrutin sera fixée au plus tard par décret adopté le 27 mai 2020 ;
 
  • Soit le second tour ne peut être organisé au mois de juin 2020 :

- Le mandat des conseillers municipaux et communautaires est prolongé pour une durée qui sera fixée par la loi ;

- La loi déterminera les modalités d’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour, dans les communes de moins de 1 000 habitants, mais pour lequel le conseil municipal n’est pas au complet ;

- Quoi qu’il en soit, lorsque l’élection a été acquise au premier tour, aucune élection ne sera organisée à nouveau sur le territoire de ces communes. 

Ainsi, un second tour est envisagé au mois de juin 2020, mais la loi s’adapte déjà à un report du second tour après le mois de juin 2020, si la situation sanitaire ne permet pas une tenue du scrutin en juin.

Ces dispositions précisent que les élections acquises au premier tour, le demeurent. En rappelant l’article 3 de la Constitution, le législateur a souhaité être parfaitement clair sur ce point.
 

La gouvernance dans la perspective d'un second tour au mois de juin :

Le III du même article, dispose que :

« III. - Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité de scientifiques. La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction.
Par dérogation, dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l'élection ou, s'il n'a pas lieu, dans les conditions prévues par la loi mentionnée au troisième alinéa du I du présent article ».

Puis le IV du même article, dispose que :

« IV. - Par dérogation à l'article L. 227 du code électoral :
1° Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'à l'entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'à cette même date ;
2° Dans les communes, autres que celles mentionnées au 3° du présent IV, pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'au second tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'au second tour, sous réserve du 3 du VII (…) ».


Ces articles organisent donc les modes de gouvernance dans la perspective d’un second tour au mois de juin 2020, compte-tenu de la disparité de légitimité constatée dans les différentes communes :
 
  • Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet : 

- Les conseillers municipaux actuels demeurent en fonction jusqu’à l’entrée en fonction des conseillers élus le 15 mars 2020. Leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'à cette même date ;

- Les nouveaux conseillers municipaux et communautaires élus le 15 mars 2020, entreront en fonction à une date déterminée par décret.

 
  • Dans les communes sur lesquelles un second tour doit être organisé :

- Les conseillers municipaux actuels demeurent en fonction jusqu’au soir du second tour et la proclamation des résultats. Les élus de ces communes demeurent également conseillers communautaires jusqu’à la date du second tour ;

- Pour les communes de moins de 1 000 habitants, les candidats élus au premier tour, entreront en fonction pour le mandat municipal et le mandat communautaire, le lendemain du second tour de l’élection.

Pour le moment et avant toute organisation d’un second tour, soit en juin 2020 soit à une date ultérieure, les actuels conseillers communautaires demeurent en fonction. 

Dans l’éventualité où un second tour ne serait pas organisé avant la fin du mois de juin 2020, une loi modificative prévoira alors de nouvelles dates d’entrée en fonction des élus et ce, en application du I précité, de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020.
 

La gouvernance pendant la période transitoire entre l'entrée en fonction des élus du 15 mars et les réunions d'installation des assemblées délibérantes :

Les dispositions de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020, poursuivent, en précisant que :

« VI. - Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne comptant parmi leurs membres aucune commune mentionnée aux 2° et 3° du IV du présent article, l'organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III.

VII. - 1. Dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, à compter de la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III et jusqu'à la première réunion de l'organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour, l'organe délibérant est constitué par :
a) Les conseillers communautaires ou métropolitains élus en application de l'article L. 273-6 du code électoral ainsi que ceux désignés dans l'ordre du tableau en vertu de l'article L. 273-11 du même code dans les communes dont le conseil municipal a été élu au complet au premier tour ;
b) Les conseillers communautaires ou métropolitains maintenus en fonction représentant les communes mentionnées aux 2° et 3° du IV du présent article, sous réserve des dispositions des 2 et 3 du présent VII.
(…).

4. Le président et les vice-présidents en exercice à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III sont maintenus dans leurs fonctions. Les délégations consenties en application de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales ainsi que les délibérations prises en application de l'article L. 5211-12 du même code en vigueur à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du III du présent article le demeurent en ce qui les concerne. En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le président est provisoirement remplacé dans les mêmes conditions par un vice-président dans l'ordre des nominations ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé.

5. Le présent VII est applicable aux établissements publics territoriaux créés dans le périmètre de la métropole du Grand Paris ».

Ainsi, dans la période transitoire comprise entre la date qui sera fixée par décret, pour l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus au premier tour et jusqu'à la réunion d’installation du conseil communautaire qui devra être organisé au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour, le conseil communautaire sera constitué de la façon suivante :

 
  • Dans les communes où l’élection a été acquise dès le premier tour, par les conseillers communautaires élus le 15 mars 2020 ;
 
  • Dans les communes où un second tour doit être organisé, par les conseillers communautaires actuels, maintenus en fonction.

Pendant cette même période transitoire, le président et les vice-présidents en exercice seront maintenus dans leurs fonctions.
 

Les prérogatives des président d'établissements publics de coopération intercommunale :

L’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020, détaille les mesures visant à assurer le fonctionnement des institutions locales et l’exercice de leurs compétences dans cette période d’état d’urgence sanitaire.

Le II de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020, visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19, dispose que :

« II. - Le président de l'établissement public de coopération intercommunale exerce, par délégation, l'ensemble des attributions de l'organe délibérant, à l'exception de celles mentionnées du septième au treizième alinéa de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales et du troisième au huitième alinéa de l'article L. 163-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie. Les délégations en matière d'emprunt sont régies par l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée.

Le président de l'établissement public de coopération intercommunale informe sans délai et par tout moyen les conseillers communautaires des décisions prises sur le fondement du premier alinéa du présent II dès leur entrée en vigueur. Il en rend compte également à la prochaine réunion de l'organe délibérant.
L'organe délibérant, réuni le cas échéant dans les conditions prévues par la présente ordonnance, peut à tout moment décider, par délibération, de mettre un terme en tout ou partie à cette délégation ou de la modifier. Cette question est portée à l'ordre du jour de la première réunion de l'organe délibérant qui suit l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Lorsqu'en application de l'alinéa précédent l'organe délibérant décide de mettre un terme à tout ou partie de la délégation, il peut réformer les décisions prises par le président sur le fondement de celle-ci.
Les décisions prises en application du premier alinéa peuvent être signées par un vice-président ou un membre du bureau agissant par délégation du président dans les conditions fixées à l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales et à l'article L. 163-13 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie. Ces décisions peuvent également être signées par le directeur général des services, le directeur général adjoint des services, le directeur général des services techniques, le directeur des services techniques et les responsables de service ayant reçu délégation de signature dans les conditions fixées à l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales.

Les actes pris en application du premier et du cinquième alinéa du présent II sont soumis aux dispositions de l'article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 163-10 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie ».

Il résulte de ces dispositions que le président, dans tous les cas, maintenu en fonction jusqu’à la séance d’installation du nouveau conseil communautaire, exerce l’ensemble des attributions de l’organe délibérant à l’exception : 
 
  • Du vote du budget ;
  • De l'institution et de la fixation des taux ou tarifs des taxes ou redevances ;
  • De l'approbation du compte administratif ,
  • Des dispositions à caractère budgétaire prises par un établissement public de coopération intercommunale à la suite d'une mise en demeure de la chambre régionale des comptes ;
  • Des décisions relatives aux modifications des conditions initiales de composition, de fonctionnement et de durée de l'établissement public de coopération intercommunale ;
  • De l'adhésion de l'établissement à un établissement public ;
  • De la délégation de la gestion d'un service public ;
  • Des dispositions portant orientation en matière d'aménagement de l'espace communautaire, d'équilibre social de l'habitat sur le territoire communautaire et de politique de la ville.

Les vice-présidents de l’établissements et les directeurs, peuvent signer certaines décisions de manière simplifiée et élargie, en application de l’alinéa 3 de l’article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales.

Toutefois, les dispositions précitées en prévoyant que le président informe sans délai et par tout moyen les conseillers communautaires, des décisions prises dès leur entrée en vigueur, imposent non pas une forme de contrôle, mais une information a posteriori, qui s’avère particulièrement adaptée à un fonctionnement rapide et efficace du service public.

Également, ces actes demeurent soumis au contrôle de légalité, dans les formes prévues par le droit commun et codifié à l’article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales.

Puis l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-391, dispose que :

« L'article 10 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisé est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 10.-Pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire prévu à l'article L. 3131-12 du code de la santé publique et dans les zones géographiques où il reçoit application, par dérogation aux articles L. 2121-17, L. 2121-20, L. 3121-14, L. 3121-14-1, L. 3121-16, L. 4132-13, L. 4132-13-1, L. 4132-15, L. 4422-7, L. 7122-14, L. 7122-16, L. 7123-11, L. 7222-15 et L. 7222-17 du code général des collectivités territoriales, L. 121-11 et L. 121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte et les bureaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne délibèrent valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice est présent ou représenté. Si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n'est pas atteint, l'organe délibérant, la commission permanente ou le bureau est à nouveau convoqué à trois jours au moins d'intervalle. Il délibère alors sans condition de quorum. Dans tous les cas, un membre de ces organes, commissions ou bureaux peut être porteur de deux pouvoirs ».

L’ordonnance apporte donc des modifications en matière de quorum pour la tenue des réunions l’adoption des délibérations. L’obligation de réunion trimestrielle est également levée pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

Il appartient néanmoins à l’exécutif communautaire d’assurer la gouvernance de la manière la plus transparente qui soit, notamment en faisant application des dispositions du chapitre II de cette ordonnance, relatif à la téléconférence, la transmission et la publicité électronique des actes.

Le conseil organise alors les modes de scrutin, l’enregistrement des débats ou encore les modalités d’identification des participants, pour cette période d’état d’urgence sanitaire.

Ainsi, ces dispositions de l’ordonnance du 1er avril 2020, apportent les éléments concrets et nécessaires au fonctionnement des intercommunalités, pendant la période d’état d’urgence sanitaire.
 

Quid du président, candidat non réélu sur sa commune sur laquelle l'élection a été acquise en totalité au premier tour ?

Cette éventualité concerne le cas d’un président d’établissement public de coopération intercommunale, candidat sur une commune, mais non élu le 15 mars 2020 et sur le territoire de laquelle le scrutin a été acquis dès le 1er tour.

L’élection est donc définitivement acquise et le législateur n’entend pas revenir sur ce point. Le président pour le moment en exercice, va donc perdre toute légitimité, dans un avenir proche.

Or, dans la période transitoire comprise entre la date qui sera fixée par décret, pour l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus le 15 mars 2020 et jusqu'à la réunion d’installation du conseil communautaire qui devra être organisé au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour, le conseil communautaire sera notamment composé des conseillers communautaires élus le 15 mars 2020.

Ainsi, le président perdra toute légitimité représentative à compter de cette date couperet, qui sera fixée par décret. Or, les textes n’envisagent pas cette éventualité qui n’est pas un cas exceptionnel. 

Le 4 du VII de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 précise au contraire, que le président et les vice-présidents en exercice à la date fixée par ce décret sont maintenus dans leurs fonctions.

Or, on voit mal comment ces élus peuvent continuer à exercer leurs fonctions si l’assemblée délibérante est constituée désormais des élus qui les remplacent, en application des résultats du scrutin acquis le 15 mars 2020.

Le président, ancien représentant d’une commune, ne pourra continuer à exercer les prérogatives du président, postérieurement à l’entrée en fonction des nouveaux représentants de la commune dont il est membre.

Une fois les élus du 15 mars entrés en fonction, les élus en exercice avant le 15 mars perdent toute légitimité permettant dans ce cas à un président, de demeurer en fonction.
En effet, maintenir le président en fonction dans ces conditions, aurait pour effet de créer un siège de représentant supplémentaire pour cette commune donnée, en méconnaissance de statuts de l’établissement public.

La plénitude des pouvoirs, d’autant plus qu’ils sont accrus par l’ordonnance, ne peut être exercée qu’en application d’une légitimité pleine et entière, qui fera défaut dans ces circonstances.

Ainsi, le 4 du VII de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 ne s’applique que si les élus ont conservé la légitimité représentative nécessaire, à l’issue du scrutin du 15 mars 2020.

Mais alors, comment doit s’organiser la gouvernance ?

Pour rappel, l’assemblée délibérante sera constituée : 
 
  • Des élus du 15 mars dans les communes où l’élection a été acquise dès le premier tour ;
  • Des conseillers communautaires actuels, maintenus en fonction, dans les communes où un second tour doit être organisé.

Ainsi, le président n’est plus membre de la communauté de commune et elle doit fonctionner sans le représentant de son exécutif.

Une première solution : le fonctionnement de l’établissement pourrait être guidé par le principe du remplacement provisoire par un vice-président, sur le fondement des dispositions de l’article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que :

« En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau ».

Cette éventualité est d’ailleurs quelque peu suggérée par les textes, puisque le 4 du VII de l’article 19 de la loi du 23 mars précise que :

« En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le président est provisoirement remplacé dans les mêmes conditions par un vice-président dans l'ordre des nominations ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé ».

L’empêchement serait constitué pour le président, par une perte de légitimité découlant de l’acquisition au premier tour des élections municipales et de l’application du régime juridique de la prise de fonction des élus du 15 mars, en application du décret à venir.

Ainsi, un président pourrait être provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions par un vice-président ou à défaut, par un autre membre qui disposerait d’une légitimité provisoire de période transitoire, autrement dit, un représentant tenant son statut originel d’élu d’une commune sur laquelle il a été élu au premier tour, ou d’une commune sur laquelle un second tour doit être organisé.

Dans le cas présent, la suppléance peut alors être assurée de plein droit par le vice-président, ou en cas d'empêchement identique ou de refus, par le vice-président suivant ou tout autre élu.

Il résulte des dispositions précitées que le suppléant prend ses fonctions de plein droit. Ainsi, le seul fait que le suppléant réponde aux conditions précitées, il assure alors l’exercice de la fonction de président, sans qu’un acte juridique soit requis. 

Une seconde solution : l’assemblée délibérante transitoire sera mise en place et ce, pour prendre en compte les nouvelles compositions à l’issue de la parution du décret et avant l’organisation d’un second tour. 

L’assemblée délibérante pourrait alors nommer un président temporaire qui assumera la plénitude de ses fonctions, jusqu’à l’installation du conseil communautaire définitivement composé.

Ces solutions ne sont pas optimales et la seconde présente clairement le défaut de faire émerger un débat politique pas nécessairement adapté à la période de gestion de crise actuelle et qui pourrait avoir un effet d’aubaine sur les seconds tours du territoire et pourquoi pas, altérer la sincérité de ces scrutins.

Des évolutions législatives sont donc essentielles dans ce domaine.
 

Concrètement, sur quoi peuvent porter les réunions des assemblées délibérantes pendant la période de crise sanitaire ? 

Les recommandations à l’attention des maires, des présidents de conseils départementaux, des présidents de conseils régionaux et des présidents d’établissements publics et de coopération intercommunale de Madame Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales et de Monsieur Sébastien Lecornu, ministre en charge des Collectivités territoriales, relative à la continuité des services publics locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en date 21 mars 2020, précise notamment que :
« Les assemblées délibérantes ne pourront se réunir que si cela est justifié par un motif exceptionnel, en privilégiant une organisation spécifique qui doit assurer la sécurité sanitaire des membres ». 

Il résulte de ces recommandations du 21 mars 2020 que les conseils communautaires peuvent continuer à se réunir mais de manière occasionnelle et afin de traiter des affaires exceptionnelles qui imposent une gestion quasi immédiate. 

Ainsi, l’esprit des textes régissant la gouvernance de la période transitoire ne se limite pas à la notion juridique « d’affaires courantes », dans l’acception où elle est entendue par le droit commun, dans la période située entre l’acquisition du scrutin et l’installation du nouvel organe délibérant.

Les affaires urgentes sont également prises en compte et en tout état de cause, plus la période d’urgence sanitaire durera, plus les affaires deviendront urgentes et plus les affaires urgentes deviendront nombreuses.

Dans ces conditions, il appartient à l’exécutif communautaire d’assurer la gestion de l’établissement public, dans un souci d’efficacité et de continuité du service public, en gérant notamment les affaires exceptionnelles.

Ainsi, si le conseil communautaire est réuni pour délibérer, c’est que l’affaire appelée à l’ordre du jour revêt un caractère urgent, ou exceptionnel. Autrement dit, qu’elle ne constitue pas une affaire courante.

Ce caractère exceptionnel va s’apprécier au regard d’un faisceau d’indice constitué de l’urgence de la situation, la récurrence de ces décisions en une année, l’impact économique, financier, sociale ou environnemental de l’absence de mesure ou de la prise de mesure.

Autrement dit, autant d’exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce. 

Les mesures adoptées par les textes ci-dessus cités permettent en cette période, un fonctionnement optimal des instances communautaires. Ce fonctionnement doit être adapté à la gestion de la crise sanitaire et quoi qu’il en soit, l’information des élus doit être respectée.

Également, le XIV de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020, dispose que :

« XIV. - Les candidats élus au premier tour dont l'entrée en fonction est différée sont destinataires de la copie de l'ensemble des décisions prises sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, de tout acte de même nature pris par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou son remplaçant, et ce jusqu'à leur installation ».

L’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, transposable aux droits des élus communautaires, dispose que :
« Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ».

Le Conseil d’Etat a jugé dans l’arrête n° 416542 du 5 avril 2019, que :

« En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération. Lorsqu'un membre du conseil municipal demande, sur le fondement de ces dispositions du code général des collectivités territoriales, la communication de documents, il appartient au maire sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, d'apprécier si cette communication se rattache à une affaire de la commune qui fait l'objet d'une délibération du conseil municipal et, d'autre part, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général n'y fait obstacle, avant de procéder, le cas échéant, à cette communication selon des modalités appropriées. Il en va de même des demandes de communication adressées au président d'un établissement public de coopération intercommunale par les membres du conseil communautaire ».

Ces exigences doivent donc s’accommoder avec les dispositions applicables à l’état d’urgence sanitaire actuel. Autrement dit, si l’exécutif décide de faire délibérer le conseil communautaire sur une question précise, il devra nécessairement s’assurer du respect de l’ensemble des procédures et notamment de l’information des élus a priori, puis de rendre compte des décisions prises le cas échéant, par le président dans le cadre de la gestion de ce dossier, a posteriori et motiver la réunion du conseil communautaire pour un sujet exceptionnel, justifiant l’adoption d’une délibération, par les raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce. 

Puis ces décisions prises par la formation actuelle d’un conseil municipal ou d’un conseil communautaire doivent être adressées aux futurs membres, autrement dit, les candidats élus le 15 mars dernier.
 

Quid de la gouvernance des organismes extérieurs ?

Le X de l’article 19 de la n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dispose que :

« X. - Nonobstant toute disposition contraire, le mandat des représentants d'une commune, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte fermé au sein d'organismes de droit public ou de droit privé en exercice à la date du premier tour est prorogé jusqu'à la désignation de leurs remplaçants par l'organe délibérant. Cette disposition n'est pas applicable aux conseillers communautaires ».

Ainsi, ce n’est que lorsque ces nouveaux représentants au sein des organismes extérieurs seront désignés que les actuels représentants ne seront plus considérés en exercice. Le texte ne pose donc aucune différence quant aux périodes de transition, notamment à compter du décret posant l’entrée en fonction des élus du 15 mars 2020. 

De tels organismes devront faire face à des difficultés de gouvernance, compte-tenu de la multiplicité des situations rencontrées par leur différents membres (SIVU, CCAS, communes…).

Des solutions hybrides s’inspirant des dispositions du VII de l’article 19 devront être mises en place par ces organismes, avec là encore, la perspective d’un remplacement provisoire des présidents.
A moins que le gouvernement n’adopte de nouvelles ordonnances, pour faire face à ces disparité, compte-tenu d’une éventuelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire.

 

Pour résumer, la situation concernant la gouvernance est la suivante :

 
  • Un décret pris au plus tard le 27 mai prochain, doit prévoir la date du deuxième tour au plus tard en juin 2020, si les conditions sanitaires le permettent :

- Les conseillers municipaux actuels demeurent en fonction jusqu’à une date qui sera fixée par décret, vraisemblablement au moment de l’adoption du décret fixant le second tour éventuellement au mois de juin 2020 ; 

- Leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'à cette même date. Ainsi, les élus de ces communes demeurent conseillers communautaires, jusqu’à la date d’installation des conseils municipaux ;

- Les nouveaux conseillers municipaux et communautaires élus le 15 mars 2020, entreront donc en fonction à cette même date déterminée par décret ;
 
  • Dans les communes sur lesquelles un second tour doit être organisé :
- Les conseillers municipaux actuels demeurent en fonction jusqu’au soir du second tour et la proclamation des résultats. Les élus de ces communes demeurent également conseillers communautaires jusqu’à cette date ;
- Pour les communes de moins de 1 000 habitants, les candidats élus au premier tour, entreront en fonction pour le mandat municipal et le mandat communautaire, le lendemain du second tour de l’élection.
- Le président et les vice-présidents en exercice seront maintenus dans leurs fonctions.
 
  • Si la situation sanitaire ne permet pas l’organisation d’un second tour avant le mois de juin 2020, un décret fixera alors la date d’entrée en fonction des conseillers communautaires élus au premier tour. Ainsi, à compter de cette date :

- Les candidats élus le 15 mars 2020, seront conseillers communautaires jusqu’à la réunion d’installation du conseil communautaire. Ils le seront également à l’issue ;

- Dans les communes où un second tour doit être organisé, les conseillers communautaires actuels sont maintenus en fonction jusqu’à la réunion d’installation du conseil communautaire ;

- Le président et les vice-présidents en exercice seront maintenus dans leurs fonctions jusqu’à l’installation du nouveau conseil communautaire.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Thomas PORCHET
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers, 1927 AVOCATS - La-Roche-Sur-Yon, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
POITIERS (86)
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