Commission de l’agent immobilier : en l’absence de vente, la commission n’est pas due

Commission de l’agent immobilier : en l’absence de vente, la commission n’est pas due

Publié le : 30/12/2013 30 décembre déc. 12 2013

En cas de non-réalisation de la vente, la règle est que l'agent immobilier ne peut prétendre au paiement d'une somme quelconque à titre de rémunération de son entremise.

Vente immobilière et commission de l'agent immobilierArrêt Cassation, 27 nov. 2013, 12-13897.

Il est de jurisprudence constante que même si, en application des dispositions d'ordre public de l'art. 6, alinéa 3, de la loi dite "loi Huguet" du 2 janvier 1970 et de l'art. 74 du décret du décret du 20 juillet 1972 excluant toute rémunération lorsque la vente n'a pas effectivement été réalisée, les contractants ne sont pas débiteurs de la commission due à l'agent immobilier par l'entremise duquel ils ont été mis en rapport, la partie, dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation du préjudice subi par l'agent immobilier.

Aussi, au cas de non-réalisation de la vente, la règle est que l'agent immobilier ne peut prétendre au paiement d'une somme quelconque à titre de rémunération de son entremise ; cependant les contractants à l'avant-contrat ne sont pas à l'abri, l'un ou l'autre ou les deux, d'une action en responsabilité contractuelle ou délictuelle s'il y a eu faute portant préjudice au professionnel.

La décision en référence est la confirmation de la règle, mais, s'agissant de l'engagement contractuel de conclure la vente sauf à payer la commission de l'intermédiaire, la Cour de cassation dit que cet engagement disparaît quand la vente n'est pas conclue. La Cour s'immisce ainsi dans le champ contractuel pour gommer toute obligation dès lors que, quelle que soit la raison, la vente n'est pas accomplie.

En l'espèce, un mandat de recherche avait été souscrit entre un particulier et l'agent immobilier, aux termes duquel mandat "le mandant s'oblige à ratifier l'acquisition présentée par le mandataire aux prix, charges et conditions du présent mandat à peine de devoir lui payer en cas de refus d'acquisition, une indemnité forfaitairement fixée au montant de la rémunération, TVA incluse, comme si la vente avait été conclue".

Le mandant a refusé de concrétiser l'achat du bien présenté par le professionnel, au motif ou prétexte que l'unique prêt qu'il a demandé lui a été refusé. Pour la Cour de cassation, peu importe que le mandant pour la recherche d'un bien ne justifie pas d'autres demandes de prêt ni de la conformité de la demande unique avec les stipulations de la promesse synallagmatique de vente et d'achat, le seul fait de la non-conclusion de la vente du fait de la défaillance de la condition suspensive de l'octroi du prêt anéantit l'engagement contenu au mandat. La Haute juridiction ainsi dénie au professionnel le droit d'invoquer à son profit les dispositions de l'art. 1078 du Code civil sur la défaillance de la condition suspensive du fait de l'un des contractants.


L'action en responsabilité de droit commun au secours du professionnel

Exit donc l'engagement de payer la commission au cas de non-réalisation de la vente. Que reste-t-il alors, dans la seconde hypothèse, au négociateur pour être indemnisé ? Certainement invoquer la réparation du préjudice sur le fondement de l'art. 1382 du Code civil : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Le texte pose le principe général de responsabilité du fait personnel dont la mise en œuvre suppose la caractérisation de trois éléments constitutifs : une faute, un dommage et un lien de causalité entre la première et le deuxième. Sous ces conditions, le texte a vocation à s'appliquer à tous dommages et en toutes matières, mais réserve faite, de la règle dite de non-cumul des deux ordres de responsabilité, contractuel et délictuel.

Toutefois, sur ce fondement, la revendication de l'agent immobilier ne pourra prospérer si le mandat a été annulé par sa faute. C'est ce qui a été jugé par la Cour de cassation, suivant un arrêt du 3 février 2004. Dans cette affaire, une agence immobilière, malgré la présentation d'un candidat acquéreur au mandant vendeur, n'avait pas pu faire valoir son droit à rémunération du fait de la nullité de son mandat résultant de l'absence de mention du numéro d'inscription sur le registre des mandats sur l'exemplaire des contrats resté en la possession du mandant. L'opération de vente n'ayant pas pu être réalisée, l'intermédiaire professionnel s'était retourné contre son client pour lui réclamer des dommages-intérêts sur le fondement de l'art. 1382. Cette argumentation fut jugée bien fondée par la Cour d'appel de Paris au motif que le mandant avait "commis une faute en laissant l'agent immobilier engager sur la foi d'un acte nul mais non encore contesté d'importants frais qui se sont révélés inutiles du fait des décisions fluctuantes de la venderesse".

En fait le mandant fut déclaré coupable de "légèreté blâmable" puisqu'il aurait tardé à se prévaloir de la nullité dont il avait conscience, laissant ainsi l'agent immobilier exposer en vain d'importants frais de publicité et de démarches et visites. Mais la Cour de cassation, par l'arrêt précité du 3 février 2004, a pris ouvertement le contre-pied de cette solution au visa des art. 6 de la loi Hoguet et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, ensemble, et de l'art. 1382 du Code civil. D'après la Haute Juridiction, il résultait des constatations de la cour d'appel que "le préjudice invoqué par l'agent immobilier trouvait sa cause (exclusive) dans l'irrégularité du mandat qui lui était imputable".

Dans l'affaire ayant fait l'objet de l'arrêt sous titre, l'agent immobilier aurait pu, plutôt que de se prévaloir de l'engagement résultant du mandat et des dispositions de l'art. 1078 du Code civil, se retourner contre son mandant en invoquant la responsabilité de droit commun ; il aurait dû alors apporter la preuve d'une faute du mandant en lien avec le préjudice subi, la perte de sa rémunération. Cette faute que l'arrêt et les moyens ne permettent pas de caractériser aurait pu, par exemple, être le fait pour le candidat acquéreur et emprunteur de ne pas présenter une demande de prêt conforme à ce qui était convenu au compromis.



Cet article a été rédigé par l’Office Notarial de Baillargues

Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Daiga - Fotolia.com

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