Cautionnement: preuve du patrimoine de la caution

Cautionnement: preuve du patrimoine de la caution

Publié le : 03/06/2014 03 juin juin 06 2014

Même en cas de disproportion du cautionnement au moment de sa conclusion, le créancier sera toutefois fondé à s’en prévaloir si, au moment de l’appel en garantie, la caution dispose d’un patrimoine suffisant lui permettant d’honorer son engagement.

Preuve du patrimoine de la caution par le créancier professionnel

Selon les dispositions de l’article L.341-4 du Code de la Consommation : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. ».

Il ressort de ce texte et de la jurisprudence applicable que si les juges du fond caractérisent la disproportion de l’engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus au moment de sa conclusion, la sanction sera particulièrement sévère pour le créancier professionnel ( qui est souvent une banque) : celui-ci ne pourra pas se prévaloir du cautionnement, et la caution se trouvera totalement déchargée de son engagement (Exemple : Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 22 juin 2010 n°09-67-814).

Néanmoins, il existe une exception à ce principe : même en cas de disproportion du cautionnement au moment de sa conclusion, le créancier sera toutefois fondé à s’en prévaloir si, au moment de l’appel en garantie, la caution dispose d’un patrimoine suffisant lui permettant d’honorer son engagement. C’est sur ce point que la Cour de Cassation, suivant arrêt en date du 1er avril 2014 est venue apporter une précision intéressante.

En l’espèce, Monsieur X s’était porté caution envers une banque suivant actes en date du 09 mai 2007 et du 8 août 2008 de divers concours consentis à la société dont il était le gérant. A la suite de la défaillance de la société, la banque a assigné en paiement la caution, laquelle a opposé le caractère disproportionné de ces engagements au moment de sa souscription au regard de ses biens et revenus.

La Cour d’Appel de Toulouse, après avoir retenu le caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa conclusion, avait néanmoins condamné en paiement la caution en considérant que celle-ci ne « rapportait pas la preuve de sa situation financière » au moment où elle était poursuivie.

Au visa des dispositions de l’article L.341-4 du Code de la Consommation mais également au visa des dispositions de l’article 1315 du Code Civil lesquelles énoncent que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver », la Haute juridiction a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel et a précisé, aux termes d’une attendu particulièrement limpide, qu’il résulte de la combinaison de ces deux textes qu’il incombe au « créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ».

Ainsi, la caution qui entend se prévaloir de la disproportion de son engagement au moment de sa souscription, pour échapper à l’action en paiement du créancier, doit prouver le caractère disproportionné du cautionnement par rapport à ses biens et revenus (en ce sens notamment Cour de Cassation, 22 janvier 2013, n°11-25-377).

Néanmoins, si la disproportion de l’engagement est caractérisé, la charge de la preuve sera ensuite inversée, car il appartiendra au créancier poursuivant, qui entend se prévaloir de ce cautionnement disproportionné, de prouver qu’au moment de son appel en garantie, c’est-à-dire au moment où il poursuit en paiement la caution, les capacités financières de celle-ci lui permettent de faire face à son engagement, c’est-à-dire que le cautionnement n’est plus, à ce moment-là, disproportionné.

Cette preuve n’est cependant pas forcément aisée à apporter pour un créancier qui n’a pas toujours vocation à connaitre l’étendue du patrimoine de la caution ( quelque fois plusieurs années après l’engagement de caution).

Pourtant, sans cette démonstration, l’action du créancier semble être vouée à l’échec et il pourra être tentant pour les cautions, au regard du principe dégagé par cet arrêt, de ne pas fournir dans le cadre de l’action en justice, des éléments sur leur situation financière - elles n’ont d’ailleurs aucune obligation de le faire…









Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Kromosphere - Fotolia.com

Auteur

FOREST Stéphanie
Avocat directrice
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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