Bail commercial: modification du loyer en cours de bail et loyer de référence

Bail commercial: modification du loyer en cours de bail et loyer de référence

Publié le : 28/10/2014 28 octobre oct. 10 2014

L’article L. 145-39 du Code de commerce a connu son heure de gloire à partir du milieu des années 2000, lorsque l’indice du coût de la constructionL’arrêt du 9 juillet 2014 sur la révision de l’article L. 145-39 du Code de commerceL’article L. 145-39, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014, dispose que : « par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ».

Cette disposition présente donc pour les parties au bail commercial un double intérêt puisqu’elle permet d’obtenir la révision du loyer, en cours de bail, à la valeur locative :

  • sans avoir à établir une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de 10% de la valeur locative,
  • sans être enfermé par la valeur plancher du loyer contractuel ni par le loyer indiciaire.
L’unique condition de recevabilité de l’action en révision présentée sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce est d’établir que le loyer a évolué de plus de 25% par l’effet de la clause d’indexation depuis la précédente fixation contractuelle du prix ou depuis la dernière fixation judiciaire.

Si la notion de « prix précédemment fixé par décision judiciaire » ne pose pas de difficulté, celle de dernière fixation contractuelle suscite davantage d’interrogations.

En l’espèce, la SCI 1 TERRASSE BELLINI a consenti à la société RTE EDF TRANSPORT, suivant acte sous seing privé en date du 17 décembre 2003, un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureaux, pour une durée de douze années à compter du 1er janvier 2004 et moyennant un loyer annuel en principal de 6.831.201 euros.

Suivant avenant en date du 16 juin 2005, les parties sont convenues d’étendre l’assiette du bail par l’adjonction de divers locaux dans l’immeuble.

Puis, suivant avenant n°2 en date du 19 mars 2007, à effet rétroactif au 1er janvier 2007, elles ont retiré 3 parkings de l’assiette du bail, le loyer étant à cette occasion simplement mathématiquement ajusté pour tenir compte de cette modification.

C’est dans ce contexte que le preneur a notifié une demande de révision du loyer à la baisse le 18 décembre 2009, sur le fondement de l’article L. 145-39, constatant que le loyer avait augmenté de plus de 25% depuis le juin 2005, date de l’avenant n°1.

Alors que le bailleur s’opposait à cette demande, le preneur soutenait que les parties n’avaient pas, lors de la conclusion de l’avenant n°2, entendu remettre en cause les modalités de calcul du loyer, ni définir ni fixer un nouveau loyer.

La Cour d’appel de Versailles, suivant arrêt du 21 mai 2013, avait débouté la société RTE EDF TRANSPORT de sa demande de révision, au motif que « l’avenant n°2 constitue bien un nouveau prix fixé contractuellement au sens de l’article L. 145-39 du Code de commerce, peu important que cette fixation ait résulté de la modification de la consistance des lieux loués ». Or, la date d’effet de l’avenant n°2, l’indice du coût de la construction n’avait augmenté que de 14,34%.

La Cour de cassation (Cass. Civ 3ème 9 juillet 2014 FS-P + B) casse cet arrêt estimant que « pour déterminer la variation d’un quart, il convient de comparer au dernier prix fixé par l’accord des parties, hors indexation, le prix du loyer tel qu’obtenu par le jeu de la clause mobile » et que la Cour d’appel a violé l’article L. 145-39 du Code de commerce en procédant à la comparaison du loyer indexé avec le loyer calculé au 1er janvier 2007.

En d’autres termes, la Cour de cassation considère que, puisque l’avenant n°2 dont l’objet était de réduire l’assiette des locaux loués, n’a pas entraîné de modification du loyer unitaire, le prix ayant été réduit corrélativement, il ne constitue pas une fixation contractuelle au sens de l’article L. 145-39 et ne doit donc pas servir de date de référence pour apprécier l’évolution de plus de 25% de l’indice du coût de la construction et donc du loyer.

Cette décision appelle quelques réserves dans la mesure où, lorsque les parties décident à l’occasion d’un avenant au bail de ne pas modifier le loyer unitaire, elles fixent néanmoins une nouvelle fois le montant du loyer. Il s’agit bel et bien d’un nouvel accord de volonté des parties sur le prix du bail, sans changement certes, mais cela n’ôte rien au fait qu’il s’agit d’une nouvelle fixation contractuelle du loyer.

Décider à l’occasion d’une modification de l’assiette du bail, de maintenir le loyer unitaire antérieur, c’est fixer une nouvelle fois le montant du loyer.

Il sera dont intéressant de connaître la position de la Cour de renvoi.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler aux praticiens combien il convient de veiller à la rédaction des avenants aux baux commerciaux car la modification du loyer en cours de bail emporte des conséquences importantes sur la révision du loyer et sur sa fixation à l’occasion du renouvellement.

Il convient donc d’en prévoir les incidences et notamment de préciser si le nouveau loyer convenu à cette occasion doit servir de référence pour le calcul du loyer plafonné lors du renouvellement suivant (faute de stipulation en ce sens, ce ne sera pas le cas) et – comme l’enseigne la décision étudiée – si elle doit servir ou non de base de référence pour l’appréciation des 25% de l’article L. 145-39 du Code de commerce.

Enfin, l’intérêt pratique de l’article L. 145-39 risque à l’avenir d’être limité puisque :


  • d’une part, depuis la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 dite Loi Pinel, l’indice du coût de la construction ne sera plus l’indice de légal de référence. Or l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des locaux d’activités tertiaires (ILAT) évoluent pour l’instant dans des proportions bien moindres que l’ICC,
  • d’autre part, désormais l’article L. 145-39 prévoit que « la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente », cette nouvelle disposition étant applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © herreneck - Fotolia.com

Auteur

CADENAT Laurence
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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