Finances publiques

Responsabilité des constructeurs à l’égard d’une collectivité territoriale, maître d’ouvrage : l’indemnité inclut la TVA grevant les travaux de réfection des désordres

Publié le : 07/03/2023 07 mars mars 03 2023

Dans un avis du 19 décembre 2022 qui sera publié au recueil Lebon, le Conseil d’Etat rappelle les modalités de détermination du montant de l’indemnité que le maître d’ouvrage peut demander aux constructeurs pour la réfection des désordres affectant l’ouvrage réalisé.
Il avait été saisi par la cour administrative d’appel de Marseille dans le cadre d’un litige opposant la commune de Pérols et un constructeur condamné par le tribunal administratif de Montpellier à verser à la Commune la somme de 137 408,25 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des désordres affectant une crèche municipale.

Le constructeur contestait la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à cette indemnité, en raison des garanties de compensation intégrale qui sont apportées aux collectivités territoriales par le fonctionnement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), leur permettant selon lui de bénéficier d'un remboursement intégral de la TVA grevant le coût de leurs dépenses d’investissement y compris les travaux de reprise.

Le FCTVA est en effet institué par les dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) au bénéfice des collectivités territoriales et de leurs groupements, et vise à compenser la TVA acquittée notamment sur leurs dépenses d'investissement et leurs dépenses pour l’entretien des bâtiments publics et de la voirie. 

La question posée par la cour administrative de Marseille était donc de savoir, d’une part, si les collectivités devaient être présumées bénéficier d'un remboursement intégral de la TVA sur les travaux de reprise de leurs bâtiments publics et, d’autre part, si le montant de l’indemnité versée par la personne condamnée à réparer le préjudice résultant des désordres affectant l'ouvrage public devait dès lors exclure le montant de la TVA grevant le coût des travaux de réfection, à charge pour la collectivité demandant l'indemnisation de son préjudice TTC de justifier qu'elle n'a pu ou ne pourra bénéficier d'une compensation intégrale de la taxe par le FCTVA.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Il relève que les frais de réfection comprennent, en règle générale, la TVA, car il s’agit d’un élément indissociable du coût des travaux, sauf lorsque le maître d’ouvrage relève d'un régime fiscal lui permettant de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.

Cette règle avait déjà été posée par la Section du contentieux sous l’empire du code des communes désormais abrogé (CE, Section, 19 avril 1991, n° 109322, SARL Cartigny, p. 163), et constitue une application du principe de réparation intégrale du préjudice subi par le maitre d’ouvrage

Puis, pour l’application et l’articulation de la règle avec le mécanisme de compensation de la TVA existant du fait du fonctionnement du FCTVA, le Conseil d’Etat procède en plusieurs temps :

- il rappelle en premier lieu que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services administratifs, conformément aux dispositions de l'article 256 B du code général des impôts. Il s’en infère qu’elles ne peuvent déduire des opérations afférentes à ces services la TVA qu’elles viendraient à acquitter pour les travaux de réfection des équipements en relevant ;

- il rappelle en deuxième lieu que le régime de compensation de la TVA dont les collectivités territoriales sont susceptibles de bénéficier par le FCTVA ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ses services administratifs, pour lesquels la collectivité demeure non assujettie à la TVA ;

- il en déduit que les dispositions qui instituent le FCTVA « ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses. »

Il en résulte que lorsque la collectivité engage des travaux de réfection des désordres comprenant la TVA, pour un équipement relevant d’un service administratif au titre duquel elle n’est pas assujettie à la TVA, elle est alors fondée à inclure la TVA dans le montant de l’indemnité demandée aux constructeurs en réparation de son préjudice, alors même qu’elle peut bénéficier d’une compensation par le FCTVA pour cette catégorie de dépenses. 

En effet seul le régime fiscal du maître d’ouvrage pour les opérations concernées, lui permettant de déduire tout ou partie de la TVA grevant les travaux de réfection, doit être pris en compte pour apprécier si le montant de l’indemnité due en réparation du préjudice peut comprendre la TVA. 

Cette solution confirme en tous point celle qui avait déjà été posée par la Section du contentieux du Conseil d’Etat sous l’empire du fonds d’équipement qui était prévu par l’article L. 235-13 du code des communes (CE, Section, 19 avril 1991, n° 109322, SARL Cartigny, p. 163). 

En l’espèce, pour mémoire, la commune de Pérols a obtenu la condamnation du constructeur au paiement d’une indemnité TTC au titre des travaux de réfection des désordres affectant sa crèche municipale. S’agissant d’un équipement relevant d’un service public administratif, pour lequel elle n’est pas assujettie à la TVA, la Commune ne peut donc déduire la TVA grevant les travaux de réfection d’autres montants de TVA qu’elle aurait perçus à raison de ses propres opérations. 

Il appartiendra dès lors à la Cour administrative d’appel saisie du jugement condamnant le constructeur au paiement à la commune de Pérols de cette indemnité de faire application des principes précités au litige d’appel, pour déterminer le montant de l’indemnité due.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Mélissa GOASDOUÉ

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